L'ile aux fleurs

Publié le par Onirix

 

 

"J’ai voulu montrer à un visiteur interplanétaire comment est la Terre. Caetano Veloso dit de la baie de Guanabara que nous ‘sommes aveugles de tant la voir’. J’ai fait la même chose avec la misère brésilienne. Nous sommes devenus insensibles à force de la voir sans cesse". (J. Furtado)

 

Tous ceux qui ont déjà vu « l’ile aux fleurs » comprendront sans mal qu’il ne faut surtout ne rien en dévoiler sous peine de rompre le charme destiné à envoûter le spectateur non initié.

Indubitablement il s’agit du meilleur court-métrage réalisé sur les dangers de l’économie de marché*. L’être humain, sous alimenté, rabaissé au rang de la bestialité par les conséquences de sa non rentabilité.

L’argent nerf de la guerre sert aussi de couperet pour une société totalement déshumanisée, désespérée. Le fruit du profit n’est décidément pas joli à constater…

 

Sorti en 1989, ce film magnifique de 12 minutes du brésilien Jorge Furtado, lauréat de multiples récompenses internationales rarement aussi méritées*, est beaucoup plus qu’un pavé jeté dans la mare d’un capitalisme déchainé. C’est un roc, un rocher incrusté, tel une poutre dans l’œil des communautés aveugles de leurs propres cruautés.

 

Les biens de consommations, fruits de la terre nourricière, sont kidnappés par des lobbyistes de l’agro alimentaire et soumis aux règles impitoyables du profit des marchés.

Pas étonnant que la famine gangrène le tiers monde quand on la voit aujourd’hui prête à déferler sans pitié sur le monde occidental.

Comment à partir d’une simple tomate et de son trajet dans la chaine alimentaire, de sa cueillette jusqu'à sa putréfaction dans une décharge, le réalisateur, faisant preuve d’un humour glacial, nous stupéfie à l’aide d’une rhétorique  implacable

 

Si une éventuelle future civilisation «humaniste » voit un jour le jour sur la planète et qu’elle découvre ce bijou de documentaire, comme on exhume un antique charnier, nul doute qu’elle comprendra aussitôt la raison du déclin de notre société

 

 

"Pendant huit mois, j’ai essayé d’écrire le texte, un texte qui traduisait mon malaise. Et en approfondissant les causes de ce malaise, je suis arrivé à la conclusion que cela me dérangeait parce que c’était une chose qui était à la fois logique et immorale. Cette chose-là fait tout à fait sens; le propriétaire du terrain était plus clément que les autres parce que, lui, au moins, ouvrait son terrain aux pauvres. Il fallait juste, d’une certaine manière, organiser tout cela car ce serait rapidement devenu anarchique. […] Ce texte, je l’ai finalement écrit en trois jours. J’ai regroupé les données que j’ai obtenues dans un certain ordre, qui est le mien. Je voulais un texte comme un message envoyé à Pluton, comme si j’allais expliquer la situation à une personne qui ne connaissait pas la différence entre une poule et un être humain. Cette logique sous-tend ce texte. Mais le problème résidait dans le fait qu’il pouvait s’achever n’importe où. En liant une chose à une autre, cet exercice de langage pouvait durer indéfiniment. La fin de mon texte reprenait en fait mon malaise initial: existe-t-il quelque chose de plus grand que la logique, quelque chose de plus puissant que le raisonnement? J’ai alors emprunté une phrase de Cecilia Meirelles pour finir. C’est une formule circulaire, un casse-tête, une métaphore en forme de spirale: ‘Liberté est un mot que le rêve humain alimente. Il n’existe personne qui l’explique et personne qui ne le comprenne’. Ainsi, si on ne sait pas pourquoi les choses ne vont pas, on n’a aucun moyen de les expliquer c’est une caractéristique de l’être humain". (Jorge Furtado)

 

 

*17 prix internationaux, dont l’Ours d’argent à Berlin en 1990 ainsi que les prix de la presse et du public au Festival de courts métrages de Clermont-Ferrand en 1991.

 

 

LE FILM :

http://www.youtube.com/watch?v=JKqQVuiUDHE


Publié dans Ciné Culte

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B
<br /> Très bel hommage<br />
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